
Le cheveu humide, je m’observe dans le miroir en triptyque de la salle de bain, moucheté d’éternelles éclaboussures de dentifrice. Des gouttes osselets. Mes cervicales me font mal, mon médecin me prédit un cou de perroquet d’ici peu. Madame Arthose, c'est la vie. Gorgone, c'est la merde. Les gargouilles sont centenaires, imberbes, prennent vie la nuit. Moi je me fige le jour et tourne, tourne, tourne dans mon lit.
J'aime entendre le terme anglais "receding line", cela m'évoque la retraite après un assaut raté, une guerre que l'on perd. L'héroïsme dans la défaite.
Me raser est si rare que cela m'a toujours rajeuni. Je commence à le faire plus fréquemment; l'effet s'estompe. Je grisonne, je blanchis, mes cernes cironflexent mon regard. Je ressemble à mon père. Je finirai par passer pour son aîné.
Je me rase à blanc les poils qui contaminent maintenant mes pommettes et rase le reste avec un sabot de 2 millimètres. L'alimentation a des faux contacts. L'appareil rendra l'âme le mauvais jour, à la mauvaise occasion, c'est d'usage. Actuellement, toutes les occasions se valent, il n'y a pas de moment pire qu'un autre.
Des bribes de conversations radiophoniques familières, entrecoupées de cris d'enfant, me parviennent du couloir. Le son est net, les voix sont claires: c'est une rediffusion, un perroquet.
Louis Garrel écoute son père. Marie écoute Louis Garrel. J'écoute Marie écouter Louis Garrel. Même à la radio, elle fait l'éloge de ses cheveux. C'est l'heure bleue de passer à table.