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Babareliefs, 2022

Commissariat et texte de l'exposition Babareliefs, Les Limbes, espace d'art contemporain, St Etienne, 2022

avec : Guillaume Boulley, Antoine Château, Baptiste Croze, Christopher Daharsh, Charlotte Denamur, Sarah Duby, Simon Feydieu, Nina Karlin Prinz, Sébastien Maloberti, Marjolaine Turpin et Margot Pietri.

Photo © Sarah Duby


« Je vais vous faire une confidence... »

Nicolas Sarkozy


J’ignore si l’exposition sera perçue comme singulière, le titre, lui ne l’est pas ; éponyme à une exposition personnelle d’il y a une dizaine d’année.

Cette lubie découle d’une réflexion désolante que je me suis faite récemment devant une oeuvre d’Antoine Château. Le peintre stéphanodijonnais recouvre ses supports en bois d’un enduit à la consistance minérale, pâteuse et boursoufflée, dont les reliefs sont ensuite rehaussés au pinceau, à la peinture à l’huile et/ou acrylique (ne se prononce pas). Les compositions sont des abstractions « aidées », comme les encres de Victor Hugo ou les peintures exorbitées de Marlène Mocquet. Délicates comme le pinceau d’un archéologue.

La surface d’enduit me rappela celles des tranches de mes propres oeuvres « babareliefs » et mes velléités de peinture sur lesquelles je butait laborieusement à l’époque. Le bas-relief est sans doute un chaînon non manquant entre la sculpture et la peinture, étant convenu que la peinture est un objet, le plus souvent une toile montée sur châssis, dont l’épaisseur, la tranche, les arrêtes participent autant à l’expérience esthétique que la surface bidimensionnelle frontale.

Là où je m’étais arrêté à des objets monumentaux insatisfaisants d’influence brutaliste, Antoine Château magnifie, dans ses peintures de petits formats, les réminiscences d’un art pariétal.

Fait Chier!

Du pictural.

Intro 3 / oui

La plupart des peintres que je fréquente ont une production résolument et quasi exclusivement tournée vers ce médium. Les rares objets spatialisés qu’ils produisent sont pour la majorité des paravents, des cadres, du mobilier de display ou quelques objets anecdotiques renvoyant encore à leur activité ou iconographie de peintre.

La plupart des sculpteur.ices que je fréquente, ne s’attachent pas à ce qualificatif. Iels sont plus velléitaires , transdisciplinaires, à la pratique circonstanciée, ne recherchent pas de pairs.


Dans cette exposition, il est surtout question de transfuge, de faux-semblant comme l’on peut parler de faux-marbre. Lorsque je me rend à Turin, je me plais à pénétrer les halls d’immeuble, les édifices publiques ou les églises, pour y exercer mon discernement des marqueteries de marbre authentique (en bonne partie importé d’autres régions de l’Italie, trahi par ses couleurs géologiques) des trompe-l’oeil dans un tradition muraliste se perpétuant depuis le XVII°. Un genre mineur de la peinture où, fait notable car rare (Carrare;), les peintres empruntèrent à la sculpture contemporaine ses surfaces.


Ici aussi, il ne s’agit pas tant de tromper mais d’évoquer en dévoyant. Des procédés de sculpture sont mis en évidence : couler, pétrir, brasser, talocher, coudre, enrober, teinter dans la masse, ferrer…exacerbant des gestes plus communs et plus « tendres » en peinture : tendre, agrafer, enduire, appliquer, (re)couvrir, laisser sécher, vernir (ou pas), dégrafer, rouler. Les artistes exposé.e.s portent une attention à la matérialité du support, à la fabrication de l’objet pictural, plus qu’à l’application de surface couvrante, de peinture, au sens de couches, unique ou successives, de pigments et de liant.


J’aime. La manière d’amputer la main, d’impliquer le geste, le tracé et le déni d’esquisse préparatoire dans les oeuvres de Guillaume Boulley, Baptiste Croze ou Margot Pietri, de prendre la toile pour du textile d’ameublement ou vestimentaire, @charlottedenamur, Ninakarlin Prinz ou Moi (couche sur couche3, sans séchage ni glaçis). D’apprêter le support comme un ouvrage de maçonnerie, chez Marjolaine Turpin, @antoine_chateau, @christopher.daharsh et @sebastien_maloberti. D’appliquer des émaux désaturées sur un support s’incurvant à la cuisson, @sarah_duby_, découvrant ses couleurs à la sortie du four. Des problématiques exacerbées de séchage, de capilarité et de fixation. J’aime. Les monochromes sales. Les surfaces lustrées. La patine et la poussière. Les mains douces et abîmées. Le grumeleux. Le blanc cassé et les couleurs. L’inframince, l’énergie et le bâclé exploré. Hypothèse : le bas relief est le type de sculpture symptomatique de l’hyperurbanité de l’art (challengée par la fuite des villes par des artistes (dés)argenté.e.s, ragaillardis par la compensation de visibilité qu’offrent les réseaux sociaux), de la gentrification des grandes villes, de l’inaccessibilité au logement, la guerre du M2, du M3 (du carré au Carrez), du manque d’espace en atelier pour le.la sculpteur.rice.

Une stratégie de survie ou d’adaptation empruntée à l’économie réduite du peintre. Un mur. Un rack. Se camoufler en caméléon. De toutes les couleurs. « Je peux pas, y’a St Etienne. »4 ASSE St Etienne Digression 1 Il se pourrait que l’on définisse des périodes pour certain.e.s sculpteur.ices, ne se référant pas à des couleurs comme chez certain.e.s peintres ( la période Bleu (ecchymose) de Picasso, la période Black Painting de Frank Stella, la période Rouge de René Querrec🤣5 ...) mais à des matériaux : la période Rouille, la période Placo, la période Amiante, la période Bille de polystyrène,... Bof. Le nouveau paradigme écologique entraînera d’ailleurs rapidement une obsolescence ou une interdiction de certains matériaux voir leur disparition. Le vernis du temps. L’archéologie des technologies. Beurk.

#jesuisdanslacuisinetubouffecequejeteprepare « Dans les Limbes, personne ne vous entend crier. »

Hal Yen6

Le monstre effraie, se dissimulant, grouillant, jaillissant des bas reliefs gigeriens7 pour vous

pénétrer et parfois vous trépaner avec l’un de ses appendices chauves à col roulé ou vous

asperger de ses fluides flippant. Parfois vous y absorbe, vous y englue, vous féconde, vous

explose le trou.


Les sculptures biomécaniques ornementées de HR Giger? Je les aiment digérées par le cinéma,

ou représentées dans ses dessins, dans ses peintures. Des sculptures mentales, en gestation. Je

n’ai que faire de ses objets inanimées, de ses tables et tabourets.

Cliff Hanger8 :

« Pour réussir un bas-relief, avec un petit budget de prod, et le vendre le jour du vernissage, c’est très simple, il vous suffit de ....


Par delà la transdisciplinarité, l’interpénétration des médiums, la multiplication des genres et des

sous-genres ou encore la non identification exclusive à l’un d’entre eux, la course aux qualificatifs,

la figure du peintre persiste, accompagnée de son fidèle objet de prédilection malmené ou décrié

cycliquement certes, mais toujours contemporain : OK, la mort de la peinture a 9 vies, la

déconstruction du tableau par le groupe Supports/Surfaces est supportable, le refus de faire objet

est sans objet, le pavé dans la mare des wall painting d’exposition du début du millénaire,…


« C’est un bon peintre, dit l’enfant carburateur, les yeux, un poil humide, perdus dans le lointain. »

Francis Picabia9

Si la peinture moderne s’est émancipée de la hiérarchie asphyxiante des genres picturaux, il

subsiste un complexe d’infériorité chez certains sculpteur.ices (Oh, Poor you, cry me a f******

river!), dû à l’écho d’aphorismes cinglant hiérarchisant peinture et sculpture, dans le prolongement

du Paragone, débat lancé en 1547 par l’homme de lettres florentin MC Varchi, souffleur de braises

et arbitre des genres, invitant peintres et sculpteurs à se prononcer sur les qualités respectives de

leur discipline.


« A sculpture is just a painting cut out and stood up somewhere.

Unfortunately, I can’t remember where. » Frank Castle Stella10 « Bas-relief is something you do not bump into when you back up to look at a bas-relief. » Bad Rainhard11 « Cowabunga »12 Leonardo, Donatello, Michelangelo et Raphaël «Vive la peinture !»13 Babar Babareliefs, c’est paragonal14.


1 Exposition personnelle à la Halle des Humanités, INSA, Villeurbanne, 2016

2 Kaaris, homme de lettres violent

3 Concernant la protection et le confort, les Molicare Premium Mobile Medium (2 630 ml d'absorption) font partie des meilleures couches pour adultes.

4 slogan des supporters de l’équipe de foot de St Etienne

5 pape de la peinture sur chevalet du littoral breton😀� .

6 piètre jeux de mot, ndla. Sous-titre original du film « Alien »(1979) : « In space no one can hear you scream »

7 HR Giger,(1940-2014) est un artiste suisse, oscarisé en 1980, pour la création de la créature et du vaisseau étranger du film Alien, le huitième passager (1979) de Ridley Scott.

8 Un Cliffhanger est un procédé narratif visant à maintenir en haleine le lecteur.

9 « L’enfant carburateur » (1919) est une peinture sur bois de Francis Picabia (1979-1953).

10 Ad Reinhardt(1913-1967à) est un peintre abstrait et théoricien américain, illustrateur satirique à ses heures perdues. Citation originale :«Sculpture is what you bump into when you back up to see a painting »

11 Franck Castle est le Punisher, héros de fiction. Frank Stella (1936-)est puni, héro de la peinture.Citation originale : « A sculpture is just a painting cut out and stood up somewhere. »

12 Exclamation de surprise ou d’amusement issue de la culture surf, popularisé en France par les films « Tortues Ninjas » dans les années 90’s, dont les héros, portant les prénoms de peintres et de sculpteurs de la Renaissance, en ont fait leur cri de guerre.

13 Babar Artiste Peintre - Album jeunesse de Laurent de Brunhoff (1972)

14 néologisme de l’artiste commissaire Antoine Palmier Reynaud, pour son exposition éponyme à ZZ Studio, PB City, 2020

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