top of page

Fabriqué sur terre par des humains, 2020

communiqué presse pour l'exposition Confins, galerie Tator, Lyon , 2020

avec Sarah Duby, Félix Lachaize, Jennetta Petch & Szymon Kula et Alisha Wessler / commissariat par Marie Bassano

Photo © Félix Lachaize


Solaris, 2001 l'Odyssée de l'Espace, Alien, Interstellar, Ad Astra, …


Dans ces grands films du genre science-fiction , les explorateurs des confins de la galaxie expérimentent les affres d'un huis-clos dont l'alternative est le vide et le dénouement souvent la mort.


Le huis-clos ne se passe pas entre cour et jardin mais dans un vaisseau ou une capsule. Tout objet plongé dans un espace indéfini, sans échelle, sans figure humaine, isolé de son contexte connu prend une dimension sculpturale. Des ailes, des paraboles, des prismes, un fuselage, une lentille rouge, parfois des fragments de bêtes qui tentent de se soustraire au regard. L'optique empreinte à l'abstraction. L'astrologie, la biologie, la robotique et l'anthropologie véhiculent nos fantasmes dans la dérive et l'inconnu.

Survivre confiné demande une aptitude à composer avec les moyens du bords. Répertorier ce qui est à disposition, produire le nécessaire en combinant des éléments restreints. Une touffe de cheveux, un crayon de couleur, un lambeau de chambre à air. Un canon à plasma. Enfiler une combinaison. Tenir bon. Etre créatif.

Pour le film "High Life"(2018) au casting international, la réalisatrice française Claire Denis a fait appel aux services de l'artiste islandais Olafur Elliasson pour la conseiller dans le design d'un vaisseau à la silhouette géométrique étonnamment austère et minimaliste, d'une installation végétale vubrimisée, des patrons de combinaison spatiale, d'une sculpture érotique dérangeante, des fonds stellaires irisés... Le recours à l'expertise d'un artiste contemporain est si rare que cette initiative mérite d'être félicitée. L'artiste aime à s'inspirer dans ses créations de technologies de pointe et de phénomènes naturelles et scientifique. La fiction ne s'embarasse pas à développer les fonctions et l'autonomie des accessoires; la surface des choses prédomine. Derrière un écran, derrière une vitre, il faut du vide et de l’imagination.


Astronautes, spationaute, taïkonaute, cosmonautes. Chaque puissance aérospatiale a joint ses efforts pour des projets ambitieux et démesurément onéreux, comme la station MIR ou Alpha mais le fait de n'avoir pu s'entendre sur la dénomination d'un corps de métier révèlent que l'esprit de collaboration scientifique et économique des états a secondé un souci de primauté de la découverte et un désir de colonisation sans partage. Cependant, une fois confronté au monstre, car monstre il y a toujours, il ne s'agit plus de conquérir, mais de résister, de survivre et dans le meilleur des cas de dominer. Le monstre, c'est l'intrus, l'hôte indésirable, le parasite, l'aliéné, celui qui s'invite à bord, zoomorphe, anthropomorphe, robotique ou bactérien, ignorant les frontières, l'ordre et les rapports de forces établis. Parfois invisible, souvent inconnu.


Le suspense est l'art d'étirer le temps de la révélation du monstre, de la découverte de sa vulnérabilité, de l'incertitude du retour sur terre, que l'on espère retrouver dans le même état que lorsqu'on l'a quitté, un peu comme des toilettes publiques, celles de l'humanité. Etre confiné dans l'espace demande un résilience, de voyager dans le temps. Les cornées vieillissent de manière accélérée, le corps s'allonge, les muscles s'atrophient, le système immunitaire s'affaiblit. Un suspense en apesanteur, au ralenti.


Eprouver la relativité du temps.


Si l'on se réfère aux initiatives réelles visant à explorer et communiquer aux confins de l'espace, il faut nommer les golden records, à bords des sondes Voyager, lancées par la Nasa en 1977. Sur les disques sont inscrites, entre autres, une image de musée, de l'intérieur d'une maison avec foyer et artiste peintre, des musiques de Bach, Mozart, Chuck Berry et Louis Armstrong. Voici un extrait de la déclaration du président américain Jimmy Carter qui y figure: "We are attempting to survive our time so we may live into yours. We hope some day, having solved the problems we face (...) This record represents our hope and our determination, and our goodwill in a vast and awesome universe.".

40 ans plus tard, le milliardaire Elon Musk sembla estimer nécessaire d'ajouter sa participation en propulsant sa nouvelle voiture en orbite héliocentrique, via son entreprise SpaceX. De ces disques, nous sommes sans nouvelle. Dans le future, espérons que les artistes auront encore une place pour s'inscrire sur de nouveaux sillons. De la Tesla électrique décapotable 2 portes, partie polluer l'espace entre Mars et Jupiter, nous sommes également sans nouvelle, mais cela m'indiffère: en cas de crise, les prouesses industrielles ne tiennent plus leurs promesses.


L'art semble une option bien meilleure lorsqu'il s'agit d'exploration, toute nationalité confondue. Joindre ses forces. Quitter sa capsule. Retrouver sa planète. Les pieds sur terre. Vivants.


1 "Made on Earth by humans" est gravé sur la carte électronique du tableau de bord de la Tesla Roadster, charge vide pour le lancement inaugural de la fusée Falcon Heavy, en orbite héliocentrique.



bottom of page