texte sur "Tropical Monument"(2012), une oeuvre de Sébastien Maloberti.
Commande pour le catalogue de l'édition 2012 de la Biennale de Saint Flour / direction artistique Christian Garcelon
Photos : © Sébastien Camboulive
L’implantation des premiers dolmens européens débute environ 5000 ans avant notre ère. Cette pratique relevant du mégalithique, s’attache à l’érection de pierres grossièrement taillées dans la masse, mettant au premier plan des préoccupations d’orientation et de positionnement de ces volumes dans des espaces nus. Le détachement vis à vis du site et de son patrimoine est sans nul doute la première observation que nous pouvons faire face à l’oeuvre monolithe de Sébastien Maloberti. Couchée ou érigée, elle repose sur un socle, ce pour la durée limitée de la Biennale .
Pour des raisons politiques diverses, les piédestales ont souvent mieux survécus à leur sculpture: de la fourth plinth1 de Londres, aux sculptures ornant les toits des églises de la place Gendarmenmarkt bombardée en 1943 de Berlin ou encore la statue de Auguste Burdeau à Lyon, fondue sous l’occupation à des fins militaires. Ici le socle n’a vocation qu’à éluder une implantation définitive de l’œuvre dans l’espace public. Ce piédestal sommaire isole du site plus qu’il ne magnifie la sculpture.Ce “monument” est paradoxalement et potentiellement itinérant, au même titre qu’une grande roue ou un stand d’auto-tamponneuse, et ne saurait être patrimonial dans le sens où il ne témoigne ni ne rend hommage à un évènement, à une personnalité, ou une communauté identifiables.
La surface de la sculpture est peinte à l’aérographe et devait, à l'époque de nos échanges avec l'artiste, reproduire le motif très ostentatoire de grenouilles amazoniennes, vénéneuses et endémiques2. Outre une ironie pop-exotique, elle dégage un refus manifeste et irrévérencieux de considérer l’œuvre d’art dans l’espace public comme une inscription harmonieuse avec le patrimoine local. Prenant le contrepied du camouflage, comme intégration d’un sujet dans son environnement immédiat, elle se détache de manière criarde, selon une stratégie darwiniste incongrue: la survie par la surexposition. Telle une foire au menhir en toc (structure en polystyrène recouverte de fibres de verre vernis) aux allures foraines, Tropical Monument constitue une attraction dans l’espace de la ville, tolérée pour un temps limité.
Dans l’album Obélix et Compagnie de Goscinny et Uderzo, un romain s’emploie à pervertir et diviser les résistants gaulois en leur achetant leurs menhirs, créant ainsi une demande artificielle dépassant l’offre et introduisant dans leur petite société de nouveaux concepts tels que la spéculation, la surproduction, la transaction et l’exportation d’une figure par essence inamovible et inaliénable. La figure du monolithe, en tant que forme élémentaire, a toujours eu un fort pouvoir allégorique. Telle une figure totémique, elle domine et rassemble. Que ce soit le monolithe noir dans le film « 2001, L’odyssée de L’espace » de Stanley Kubrick ou les Moaïs de l’île de Pâques, les formes archaïques demeurent contemporaines dans le sens où nous, en tant que contemporains, persistons à fantasmer leur genèse.
En 2007, l’artiste français Franck Scurti reproduisit des sculptures modernes pour y intégrer des détériorations stylisée, sous formes de graffitis en bas-relief (What’s Public Sculpture ?). Si le ton y est résolument urbain, humoristique et s’attache à revisiter un héritage moderne confronté aux contingences de son entretien, Sébastien Maloberti s’engage dans des préoccupations patrimoniales plus universalistes. Mélangeant exotisme endémique, culture foraine itinérante, et archaïsme cultuel régional, Sébastien Maloberti propose alors une œuvre au titre antinomique, abordant la fragile pérennité d’un objet culturel et/ou cultuel, dans l’espace public; un monument romantique et déraciné, voir inadapté, qui ne saurait plus témoigner que de lui-même.
The Fourth plinth est l’un des quatre socles implantés aux angles du parc Trafalgar. Originellement destiné à accueillir une statue équestre en 1841, elle reste vacante faute de capitaux et de consensus jusqu’en 1998. Elle accueille depuis des œuvres temporaires commandés à des artistes internationaux.
Les dendrobates se rencontrent du sud du Nicaragua au nord du Brésil. La théorie ancienne et dominante voulait que leur poison soit d'origine exogène, c’est-à-dire produit hors de leur corps. Il viendrait d'insectes eux-mêmes toxiques, dont ils se nourrissent.
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