« Dansons, dansons, dansons.
Mets tes chaussures rouges et dansons sur ce blues.
Dansons sur ce morceau qui passe à la radio.
Bougeons pendant que les lumières colorées éclairent ton visage »1
Avant de me pointer à Pan, je me remémore Cécile Paris, artiste tenancière, dans une soirée karaoké. Deux trois trucs rétros pour animer la soirée. Fanfreluche de papier. Boule à facette brisée. Des lèvres rehaussées au tanin. Pas les siennes.
Pan. Néo Café de Flore avec Happy hour au réveil– version 80 % Hard discount, bio, local et fait maison. Pas de touriste ou alors la crème like bibi. T’y croises, entre autres, du Hugo Pernet & Camilla Oliveira Fairclough in love, un Joël Riff curieux, un François Piron intéressé, un Simon Feydieu en plein couroux.
Un lieu attractif pour une communauté mixte de clampins du coin, d’intellectuels et d’artistes parisien-ne-s faisant l’effort de s’extraire de l’épicentre, comme un Han Solo (tout seul) poussant à fond son épave ailée. Les étoiles deviennent des points, deviennent des traits. Grand blanc. Petit noir.
L’île St-Denis, le nouveau St-Germain des artistes. En tout cas, il y a pas mal d’ateliers et c’est pas St-Yorre. Le jardin de cet ancien garage automobile fût décaissé et dépollué. Bye bye Mercure, dieu du commerce (et des voleurs), messager du goudron et des plumes. Où s’en va la terre ? On en prend à la campagne pour panser les villes. J’imagine que c’est pas un cadeau winwin pour l’échange. Des tickets de métro dans le terreau, des chewing-gum sur les vieilles charrues. Une vieille capote envolée sur la tête d’un épouvantail.
« Origine France. Origine Merde. »
Ich Bin2
Le goût du drame. Bouffer du Liddle avarié est aujourd’hui moins toxique que de déguster des légumes du jardin. Miam miam le perfluoré, polluant éternel. Sourire bleuté béat, bye bye pancréas. Du moins, il en va ainsi à P.B. City, mon atelier chéri. Partir prendre l’air à Paris.
Les jardins urbains ne sont pas Zen. Les voisins ne sont pas des adeptes de stage nature ou de résilience. Tout lieu de convivialité est une force à l’encontre du repli sur soi, de la solitude et du repos. Nécessaire, sans pour autant le désirer sous ses fenêtres. Cocorico ! Connard !
Complètement accro au café. Gueule de merde avec 10 ans d’avance sur la fin. Si tu veux faire la sieste, teste les hamacs sous mes yeux. Ici, le café réveille et se savoure. Je me prend des rails d’arôme toute l’après-midi. J’arrête à 16h. Pile.
Derrière le comptoir, Eléonore est peintre.
Peindre et faire du café, des tartines, des papetons, du guacamole avec des doigts de boxeuse qui ont malaxé plus de cartilages que de légumes dans une vie où il faut peindre et faire l’amour. Sinon, on s’est trompé de porte. A droite, au fond du couloir. Merci de rien saloper !
Boxer, j’ai jamais essayé. On a beau se détester, il y a toujours une petite voix narcissique qui freine l’éclatage de nez, d’oreilles en choux-fleurs. Enfin les siens. Hausser le sourcil avec une arcade sourcilière fendue. Vieillir, c’est ne plus vraiment avoir envie de se prendre un pain dans la gueule.
Depuis la première guerre mondiale, les boxeurs (et les veuves de guerre) se (re)convertissent souvent en tenancier-ières de bar. Troquer les gants contre un tablier, histoire de ne pas le rendre définitivement. On appelait ça des troquets. Encaisser des coups puis des histoires sordides. Les battoires amorties à l’éponge. Repousser des corps olympiens puis supporter des épaves bipèdes avant de finir à 4 pattes soi-même, raides. Mais où est-le jeu de jambe ?
Boxer ne suffit pas.
Peindre ne suffit pas.
Boire ne suffit pas.
Pourtant il faut vivre.
Ici, ça picole pas trop sec. C’est plus raffiné, cultivé et bienveillant. On se tient chaud, ça sirote mais ça se marre quand même. On est pas là pour flamber son loyer et l’oublier jusqu’au lendemain. Enfin bon, si, Paris oblige.
Quand même plus proche du « Food », restaurant mythique, caritatif et artistique de Carole Goodden et Gordon Matta-Clark, dans le New York des 70’s. Les pauvres sont bien reçus pour peu qu’ils se battent encore. Un peu de culture. Un peu d’argent. Un peu de chaleur humaine. Pose ton cul, tu as le droit de rester. Sur les murs, quelques œuvres. Pas de coin de nappes signées Picasso, Eluard ou Lautrec mais l’esprit y est. Les artistes fidèles arrosent le territoire comme des chien-ne-s.
Etre populaire, à l’ancienne, c’est avoir le verbe plein de raté, un truc franc et parfois vulgaire. Rester dans la périphérie bruyante, vivante et mésestimée.
Pan !
Comme Peter.
Pan !
Comme le dernier son.
Dansons.
1Paroles de « Dansons », chanson de Cécile Paris, d’après « Let’s dance » de David Bowie
2Paroles de « Hypermassacre » du groupe Ich bin, album « Obéis! », 2006
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