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ZOO, 2019

Commissariat de l'exposition Shibari O’O’ de Lisa Duroux, 2019, La Vitrine Atelier Daigneault/Schofield

Dans le cadre de Conversations Lyon I Montréal, avec le soutien du Conseil des arts et des lettres du Québec et du Ministère des Relations internationales et de la Francophonie du Québec.

Photo © Sarah Duby

!

Pointe de côté.

Me voilà boitant, maugréant, soufflant fort sur le sentier de course qui ceinture le parc de la Tête d’Or, à Lyon. Je n’aime décidément pas le sport. Les endorphines ont dû se perdre dans le pli de mes bourrelets.

Tousse. Tousse.

Je méprise le culte du corps. Je déteste croiser ces corps musclés, torses bombés, qui courent en sens inverse dans l’espoir de croiser à plusieurs reprises la fille qu’ils choisiront d’aborder au cours de leurs étirements ou pour leurs seins qu’ils fixent furtivement. Je préfère regarder rebondir des fesses molles. C’est tragi-comique : certains hommes ont des beaux culs que je jalouse, certaines femmes ont des culs immondes. Ces choses là ne se disent pas.

Déroulement.

Je n’ai plus couru depuis plusieurs années, ces velléités d’entretien du corps sont derrière moi, je l’espère, mon gros cul solidement assis sur ces résolutions qui ne me ressemblent pas.

Flexion.

Lors d’une ballade avec ma compagne, il y a quelques années, j’ai aperçu Lisa en train de courir sur ce même sentier. Elle nous a fait un signe de tête et a maintenu son allure, l’air déterminée malgré l’effort visible.

Génuflexion.

Dans mon cercle d’artistes (je n’aime pas trop cette figure, fermée, mais j’en apprécie le folklore), il n’est pas souvent question de sport, ou de corps d’ailleurs. Nous sommes encore passablement jeunes. Il est question de mode doux, d’ostéopathie, parfois de régime, d’arrêter ou non le gluten mais cela s’arrête là sur les questions d’entretien physique. L’attention est portée sur un objet qui nous est extérieur. Notre œuvre.

O

Inspiration.

Je comprends l’attraction et la fascination que provoquent certains équipements sportifs, les protections et les prothèses notamment. Cette analogie au corps ou le sentiment de son absence. L’œuvre exosquelette. Enveloppe inerte et superbe. Le corps malade.

Génuflexion.

Lorsque je me ballade à la Tête d’or, mon activité préférée est d’aller observer les vitrines où gesticulent les petits singes captifs du Zoo, qui est gratuit, chose appréciable. Pourtant je n’aime pas les animaux en cage. Je ne mémorise jamais correctement leurs noms, leurs espèces, leurs origines. Il faut croire que j’apprécie leurs cages car je me suis étonné de passer plus de temps que mon fils à observer ces habitacles artificiels. Lui aussi court, par jeu.

Corde à sauter.

O

Gainage léger.

Des lianes en fibres sans doute synthétiques. Des filets à la trame mordue et percée. Des tuteurs tordus. Des branches sans racines. Une végétation hybride. Entre deux continents. Une espèce de climat.

Etirement.

Les artistes que j’étudie actuellement sont affiliées à l’Antiforme, directement ou non. J’aime les œuvres d’Eva Hesse, d’Iza Tarasewicz, de Léonore Antunes et de Lisa Duroux. Anti-forme. Je note qu’aucune n’a d’enfant exceptée Lisa. Couver les œufs de Louise Bourgeois. Encore aujourd’hui, je trouve qu’être parent pénalise d’avantage la carrière des femmes que celle des hommes. Je ne me pose pas la question de manière plus approfondie ; je suis un homme égocentrique. Mais je pense que c’est injuste. Alors ça va.

Renforcer les muscles abducteurs.

Sur Wikipédia, les acteurs ont des enfants, les musiciens ont des enfants, certains sportifs aussi. Les artistes ont des œuvres. Pas de vie privée. Succès d’estime, reconnaissance, hyperliens : être un pair / être un père.

Etirement.

Alors que vous lisez cette ligne, ma compagne va ou a accouché de notre deuxième fils. Je ne sais pas trop quoi faire. J’attends. Il ne fait pas si beau mais je vais sans doute sortir. Peut être aller faire le tour de ce parc que je n’aime pas vraiment.

Trouver un titre.

Trouver un nom.

Dans la pelouse, faire une sieste.

Z




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