c’est un aspirateur miniaturisé. Son volume sonore est suffisamment bas pour que je ne culpabilise pas de la nuisance que j’impose à mes voisins de palier. Je songe brièvement aux locataires au dessus. Pas à ceux en dessous. J’appréhende moins de déranger ceux que je n’entends pas. Iels n’ont ni visage, ni corps, ni mobilier. Iels sont un volume abstrait supportant mon appartement. D’ailleurs, rien à foutre de ces voisins et voisines qui me surplombent. Je déteste leur enfant. J’ai l’impression parfois que les parents jouent au basket avec sa petite tête, sans jamais mettre un panier. Lorsqu’on grandit dans une maison de plain-pied, entouré d’un jardin, notre idée de la collectivité est horizontale. C’est ce que je me dit, allongé sur mon lit. Un bruit sourd sur un fond blanc.
Compost. Vrac. Escargotière. Ruralité d’un quatrième étage.
Dans le cylindre en plastique de l’aspirateur, les moucherons voltigent dans une spirale qui fout le vertige. Heureusement, une centaine d’entre eux sont déjà morts et gisent à l’intérieur comme un élevage de poussière ; mon regard s’y repose. Il doit y avoir un clapet anti rejet ou un filtre équivalent. L’inerte attise ma concentration.
C’est un sport, avec sa routine et ses performances. Mon expertise s’affine : sur la durée d’autonomie de la batterie, celle de la charge sur secteur, la déperdition progressive de sa puissance évaluée à l’oreille. Je me spécialise dans l’aspiration sur la surface vitrée de mes fenêtres à double vitrage. Leurs silhouettes ressortent à contre-jour. Cela marche presqu’aussi bien sur le grand miroir de la salle de bain. Au plafond, le bras tendu, l’engin obstrue ma vision. Les arrêtes des huisseries offrent trop de voies d’évasion. Mon angle d’approche est pourtant parfait. Lente pour ne pas déclencher d’alarme sur une hypothétique frappe. Le moucheron décide tout d’abord de s’agripper. Bien. Son entêtement sert mon dessein. L’embout effilé concentre la puissance d’aspiration. Dead end Motherfucker !
L’obstination est une addiction.
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