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Triste cerveau, 2020


- Caroline Saves -


C'est un triste cerveau à la couleur d'un coeur. Sa légèreté peut être surprenante quand on prend l'habitude d'y porter un regard sans en supporter l'objet.


Sa taille est supérieure à ma boîte crânienne. Il est posé sur le plateau supérieur de ma bibliothèque murale. A 2,70 m. Il me surplombe sans m'observer, en tissu poudré, fragile, sans mémoire de forme. Les hémisphères sont scindés par une couture que l'on devine sans en distinguer le point.


Triste cerveau est un cadeau de Caroline S. . Une sculpture que j'ai aimé d'abord par son titre et que j'ai appris à apprécier, l'apprivoisant du regard la bouche pleine, assis à une place invariable de la table familiale, face à Basile, donnant la cuillère à Abel, échangeant avec Marie, levant les yeux vers cette tâche rose, soulageant mon cou croustillant. Un quotidien de cerveau sans sens, sans organe périphérique, sans commande ni pouvoir.

J'ai jeté les livres que je n'aimais pas, que je n'ai jamais aimé ou n'aime plus. Je me libère de ce que l'on m'offre. Je fais de la place. Adieu brochures superflues, adieu éditions médiocres, adieu magazines vétustes, adieu doublon, adieu cartons d'exposition, adieu cartes postales, adieu mémoire. Des sacs poubelles qui s'accumulent. Je les évacue de l'appartement plus pour pouvoir ouvrir la porte d'entrée que pour finaliser l'entreprise du vide.

Ce triste cerveau, je le descend de son piédestal pour le dépoussiérer et mieux le voir. C'est le mien. Je le repose dans un compartiment plus bas, qui sied mieux à sa taille, à hauteur de mon front, de mes orbites et de mes tempes.


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